Libération : l’heure de vérité

Libération : l’heure de vérité

Grève ou pas grève ? La question qui a agité mardi dernier l’équipe de Libération après que lui a été présenté un plan social prévoyant 81 suppressions de postes s’est reposée hier. Avec d’autant plus d’acuité qu’avait été voté la semaine dernière pour hier un préavis de grève par 143 voix (contre 110 pour la grève immédiate). En outre, l’AG avait, à l’unanimité, rejeté « l’ampleur d’un plan remettant en cause la continuité du titre » (lire notre édition de mercredi).

De plus, malgré la nomination par les élus du CE d’un expert pour examiner la validité des arguments économiques de la direction, les négociations n’ont, d’après les syndicats, « rien donné à part une petite amélioration des indemnités de départ, jusque-là plafonnées à quinze mois, en accordant un demi-mois de salaire par année d’ancienneté pour ceux qui ont plus de quinze ans de boîte. Mais rien n’a été fait sur le volontariat. Et a été refusé par les investisseurs de « sortir » du plan la vingtaine de postes menacée par la mise en place d’un nouveau logiciel rédactionnel. Tout juste acceptent-ils qu’on travaille sur les conséquences de ces « nouvelles technologie s ». Mais en souhaitant que nous nous engagions avant le 29 décembre sur 81 suppression de postes... »

Cette intransigeance, on la retrouve dans la lettre que le nouveau PDG Laurent Joffrin a envoyée à l’ensemble des salariés et que nous nous sommes procurée : « Libération arrive à l’heure de vérité, écrit-il. Le sort du journal est entre vos mains. Selon que vous déciderez ou non la grève, le risque d’un dépôt de bilan décuplera ou bien le salut restera possible. »

Et d’ajouter qu’il n’avait « pas choisi d’instaurer cette situation » tout en rappelant qu’il estimait avoir « tenu » « l’engagement de trouver un point intermédiaire » entre les 106 suppressions de postes préconisées par l’actionnaire majoritaire Édouard de Rothschild et les 66 concédées par la société civile des personnels.

En interne, la tradition qui voudrait que la direction « budgétise » chaque année deux ou trois jours de grève n’a jamais été qu’un secret de polichinelle. Mais là, alors que le titre a été placé par le tribunal de commerce en « sauvegarde », la menace du dépôt de bilan est clairement agitée. Et pas que par la direction, l’administrateur judiciaire Régis Valliot ainsi que l’expert du CE étant sur cette ligne.

D’autant que, sur les quinze millions d’euros prévus pour la « relance » d’un titre devant en perdre 13 d’ici à la fin de l’année, Rothschild et une poignée d’actionnaires déjà présents dans le capital du journal n’en ont pour l’instant avancé que 51 %. Même le versement des salaires en fin d’année a été mis sous condition d’une négociation « rapide » du plan social !

C’est donc sans surprise qu’hier matin le comité de rédaction a pu être qualifié par certains d’« houleux ». Ambiance lourde à l’AG entre ceux qui craignent le redressement judiciaire et ceux qui veulent faire entendre leur colère. En conséquence, le vote sur la concrétisation du préavis de grève se sera fait à bulletins secrets. À 17 heures, hier, le verdict est tombé : par 154 voix contre 104, la grève est rejetée. Fatima Brahmi, de la CGT, ne cachait pas sa déception : « Il y a de la lassitude et de la peur derrière ce résultat. Mais, désormais, il va être très difficile d’aller négocier dans ces conditions « . Prochain CE vendredi.

Sébastien Homer


l'humanité